Nouveau régime de taxation des immeubles situés à l’étranger à compter de l’exercice 2022 !
À la suite de l’arrêt de la CJUE du 12 novembre 2020, la Belgique revoit enfin le régime de taxation des immeubles situés à l’étranger détenus par des résidents belges. Une loi du 17 février 2021 portant modification du Code des impôts sur les revenus 1992 sur le plan des biens immobiliers sis à l'étranger a ainsi été publiée le 25 février 2021 au Moniteur Belge.
Comme annoncé dans notre précédente contribution du 23 novembre 2020, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a une nouvelle fois condamné la Belgique pour sa différence de traitement fiscal entre les immeubles situés en Belgique et ceux situés à l’étranger. À la suite de cette nouvelle condamnation, la Belgique a finalement décidé de modifier sa législation.
Rappel de la problématique
Il existe, en Belgique, un régime de taxation différent pour les immeubles situés en Belgique et les immeubles situés à l’étranger.
Un résident belge, personne physique, qui est propriétaire d’une seconde résidence en Belgique est imposé sur un revenu mobilier prenant pour base imposable le revenu cadastral, que le bien soit loué ou non.
Un résident belge qui dispose d’une seconde résidence à l’étranger doit quant à lui déclarer la valeur locative (art. 7§1, 1°b CIR92) ou le loyer effectivement produit par ledit immeuble (art. 7 §1, 2°,d CIR92), selon que le bien est loué ou non. Le montant à déclarer est donc généralement plus élevé que celui du revenu cadastral, belge qui est un revenu net forfaitaire déterminé pour chaque immeuble localisé en Belgique. Bien qu’en raison des conventions préventives de la double imposition les revenus immobiliers issus d’un immeuble situé à l’étranger soient exonérés d’impôts en Belgique, ils interviennent néanmoins pour déterminer le taux d’imposition moyen belge. Ils participent donc à la création de la base imposable.
En 2014 et 2018, la Belgique a été condamnée par la CJUE pour cette différence de traitement fiscal. Comme le revenu cadastral belge est en principe bien plus faible que la valeur locative ou le loyer réel, il existe une différence de traitement qui nuit à la libre circulation des capitaux. Une résidence sur le territoire belge est fiscalement avantagée. Cette situation peut dès lors avoir pour effet de décourager les résidents belges à acheter des biens immobiliers à l'étranger.
Malgré le dernier arrêt de la CJUE prononcé en 2018, la Belgique a maintenu son régime de fiscalité sur les immeubles étrangers. La Belgique ne se conformant pas à l’arrêt de la CJUE, cette dernière a condamné l’Etat belge à verser deux millions d'euros et 7.500 euros d'astreinte par jour à la Commission européenne jusqu’à ce que la Belgique se conforme à ses obligations.
L’Etat belge se conforme à la jurisprudence européenne
En suite de sa condamnation, deux solutions s’offraient à la Belgique pour mettre fin à cette différence de traitement : (i) taxer les immeubles belges sur base des loyers réels et de leur valeur locative réelle ou (ii) assigner un revenu cadastral aux immeubles situés à l’étranger, ce qui semblait à priori difficilement réalisable. C’est pourtant cette deuxième solution qui a été choisie par le législateur belge.
La loi du 17 février 2021, portant modification du Code des impôts sur les revenus 1992 sur le plan des biens immobiliers sis à l’étranger, a été publiée au Moniteur Belge le 25 février 2021.
Les modifications des dispositions du Code des impôts sur les revenus entreront en vigueur à compter de l’exercice d’imposition 2022 (revenus 2021).
La détermination du revenu cadastral (RC)
La situation sera désormais simple : tous les immeubles sont taxables sur base du revenu cadastral, à l’exception des locations effectuées à des fins professionnelles comme c’était déjà le cas auparavant.
Le montant du revenu cadastral doit donc pouvoir être déterminé pour chaque bien immeuble situé à l’étranger. Ce revenu cadastral sera établi selon la formule suivante : valeur vénale de l’immeuble à l’époque de référence (1975) x 5,3%.
Etant donné qu’il n’est pas aisé de déterminer la valeur vénale normale d’une parcelle en 1975, le législateur belge prévoit d’appliquer un facteur de correction [1]. Il ressort en effet clairement des travaux préparatoires que c’est cette méthode qui permettra, dans la majorité des cas pour les immeubles situés à l’étranger, de retrouver la valeur vénale normale de 1975, à laquelle il faut alors appliquer le taux de 5,3%.
Le texte légal ne précise pas comment appliquer ce facteur de correction (division, multiplication…). Il semblerait cependant logique qu’il s’agisse d’une division et que la formule applicable soit dès lors la suivante :
(Valeur vénale normale de l’immeuble/coefficient de correction) x 5,3%
La Documentation patrimoniale (ancien Cadastre) conservera l’ensemble des RC ainsi établis, dans une banque de données reprenant l’intégralité des immeubles situés à l’étranger.
L’obligation de déclaration
Pour établir et actualiser la banque de données, chaque propriétaire, usufruitier, possesseur, emphytéote ou superficiaire d’immeubles étrangers disposera, lors de l’acquisition ou de l’aliénation de droits réels sur un bien immeuble sis à l’étranger, d’une nouvelle obligation de déclaration spontanée. Les résidents belges qui sont déjà propriétaires d’un immeuble à l’étranger devront également déclarer celui-ci si cela n’a pas encore été fait.
Vous disposiez d’un immeuble à l’étranger au 31 décembre 2020 ?
Vous devrez rentrer une déclaration au service de la Documentation patrimoniale au plus tard le 31 décembre 2021.
Si vous avez déclaré ce bien au sein de votre déclaration fiscale, l'Administration générale de la Documentation patrimoniale prendra directement contact avec vous.
Vous achetez ou vendez un bien immobilier à compter du 1er janvier 2021 ?
Vous devez déclarer cette vente ou achat à l’Administration générale de la Documentation patrimoniale dans les quatre mois suivant l’achat ou la vente.
Rien ne changera pour la déclaration fiscale relative à l’exercice d’imposition 2021 (revenus 2020). Le nouveau RC, qui vous sera communiqué par l’administration fiscale, devra être déclaré à compter de l’exercice d’imposition 2022.
Amendes dissuasives
La loi prévoit la possibilité d’imposer une amende administrative, de 250 € à 3.000€, au contribuable qui ne satisferait pas à l’obligation de déclaration (nouvel article 445§5 CIR92).
Le législateur justifie la nécessite d’imposer une sanction administrative par le fait que l’absence de déclaration spontanée pourra non seulement avoir des répercussions importantes sur la fiscalité belge mais aussi de créer une discrimination entre les contribuables belges ayant déclaré leur bien à l’étranger et ceux qui ne l’auront pas fait. [2]
Quelles conséquences ?
Le fait que la notion de revenu cadastral sera applicable à tous les biens immeubles, sans distinction de leur situation, implique notamment que :
La déduction forfaitaire de 40% limitée à 2/3 du RC revalorisé pour les biens loués à des fins professionnelles s’applique également aux immeubles situés à l’étranger ;
Le RC constituera le cas échéant également un revenu imposable minimum ;
La requalification éventuelle des loyers perçus par un dirigeant d’entreprise lorsque ces loyers excèdent 5/3 du RC est également d’application aux immeubles situés à l’étranger ;
La réduction proportionnelle du RC, en application de l’article 15 CIR92, vaut également pour les biens immeubles situés à l’étranger.
Est-ce que les contribuables belges qui ont une seconde résidence à l’étranger bénéficieront d’une économie d’impôt significative ? La réponse semble être négative.
L’immeuble étranger est en effet généralement exempté d’impôt en raison des conventions préventives de la double imposition. Cela aura uniquement pour effet, dans la plupart des cas, de diminuer sensiblement la réserve de progressivité. Cette nouvelle législation aura donc un impact limité sur les revenus belges.
En cas de questions, n’hésitez pas à contacter notre équipe qui se fera un plaisir de vous assister.
[1] Pour l’année 2020, le facteur de correction est fixé à 15,036. Ce facteur de correction sera publié chaque année au Moniteur belge.
[2] Doc. Parl. N°1762/001, législature 55, 2020/2021, p.10