Les délais de paiement entre professionnels: un comparatif franco-belge
La crise du coronavirus a incontestablement accentué les difficultés rencontrées par les entreprises, et plus particulièrement les PME, pour obtenir le paiement de leurs factures dans les temps. De nombreuses petites et moyennes entreprises ont en effet été confrontées à des problèmes de liquidités. En Belgique, cette situation a poussé le législateur à modifier la législation en vigueur. Quel sera le nouveau régime applicable en Belgique ? Les règles applicables en France sont-elles également renforcées ?
La présente contribution vous donnera un aperçu du régime belge et du régime français applicable aux délais de paiement dans les relations B2B.
La législation belge
En Belgique, les règles relatives aux délais de paiement entre professionnels dans le cadre de leurs relations commerciales sont régies par la loi du 2 août 2002 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales.
La législation actuellement en vigueur
Actuellement, le régime, tel qu’il résulte de la loi du 2 août 2002, est le suivant :
Le délai de paiement légal est de 30 jours civils mais il peut y être dérogé contractuellement.
Un délai supérieur à 60 jours ne peut cependant pas être convenu si le créancier est une PME et que le débiteur est une entreprise qui ne se qualifie pas de PME. Toute stipulation contraire est réputée non écrite.
Le délai de paiement commence à courir à partir du jour qui suit celui
de la réception de la facture par le débiteur, ou
de la réception des marchandises ou de la prestation de services si ceux-ci sont fournis après la réception de la facture, ou
de l’acceptation ou de la vérification des marchandises ou des services si une procédure d'acceptation ou de vérification est prévue, et si le débiteur reçoit la facture avant ou à la date de l'acceptation ou de la vérification.
La durée de la procédure d’acceptation ou de vérification est de maximum 30 jours calendaires après la date de réception des marchandises ou des services. Un autre délai peut être prévu contractuellement pour autant que cette modification ne soit pas manifestement abusive à l’égard du créancier ou que le créancier ne soit pas une PME.
Sanctions :
Intérêts de retard
Si le créancier n’obtient pas le paiement intégral de la facture à l’échéance, il a droit, dès le lendemain, au paiement, de plein droit et sans mise en demeure, d’un intérêt de retard, sauf si le débiteur peut démontrer qu’il n’est pas responsable du retard.
Le taux d’intérêt applicable est publié chaque semestre au moniteur belge. Pour le premier et second semestre de l’année 2021, ce taux s’élève à 8 %.
Dans le cadre des contrats entre entreprises, les parties peuvent stipuler un taux d’intérêt différent pour autant que cela ne constitue pas un abus manifeste à l’égard du créancier.
Frais de recouvrement
En plus des intérêts de retard, le créancier qui est confronté à un retard de paiement a automatiquement droit, de plein droit et sans mise en demeure, à un forfait de 40 euros pour les frais de recouvrement.
Le créancier peut également réclamer une indemnisation raisonnable pour tous les autres frais de recouvrement– tels que l’indemnité de procédure et les frais des bureaux de recouvrement – qui sont supérieurs au montant forfaitaire de 40 euros et qui résultent du retard de paiement.
Modifications en vigueur à compter du 1er février 2022
La loi concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales du 2 août 2002 a récemment été renforcée, par une loi du 14 août 2021.
Le premier changement consiste à limiter le délai de paiement à 60 jours civils, quelle que soit la taille des entreprises concernées par la transaction.
Le délai légal de paiement est toujours de 30 jours civils. Les entreprises peuvent y déroger contractuellement mais dans tous les cas, le délai de paiement ne pourra jamais excéder 60 jours civils. Tout délai supérieur sera nul et non avenu.
Jusqu'à présent, cette durée maximale s'appliquait aux débiteurs qui n'étaient pas des PME dans le cas où le créancier était une PME. Cette restriction est désormais étendue à toutes les transactions commerciales, quelle que soit la taille des entreprises concernées. Le délai de paiement sera donc toujours limité à 60 jours. La loi permet cependant au Roi d’autoriser, pour certains secteurs, un délai de paiement supérieur à 60 jours civils. Il s’agira de situations exceptionnelles.
Le législateur a ensuite effectué deux autres changements majeurs destinés à empêcher le contournement du délai maximal de paiement de 60 jours.
La loi du 2 août 2002 avait en principe réglé le problème de liquidités pour les PME, par le biais d’une loi modificative de 2019, en décrétant que le délai contractuel de paiement ne pouvait pas excéder 60 jours lorsque le créancier était une PME. Cependant, la loi du 2 août 2002 a également autorisé une période de vérification de la facture et des marchandises de 30 jours maximum, susceptible de s'ajouter au délai légal de 30 jours ou délai contractuel de 60 jours maximum. Dans les faits, de nombreuses PME doivent dès lors patienter jusqu'à 90 jours pour obtenir le paiement de leur facture.
Le législateur belge a modifié les dispositions légales permettant de contourner cette limitation de 60 jours :
Le délai que les parties peuvent prévoir pour l'acceptation ou la vérification de la conformité des biens ou des services doit désormais être inclus dans ce délai maximal de paiement de 60 jours.
Avec cette modification de la loi, cette période de vérification ou d'acceptation de 30 jours sera incluse dans le délai de paiement, qui sera ainsi raccourci. Cette période de vérification ne pourra donc plus être invoquée pour pouvoir dépasser le délai maximal de 60 jours.
La date de réception de la facture ne peut plus être déterminée contractuellement entre les parties.
La loi du 14 août 2021 ayant été publiée au Moniteur belge le 30 août 2021, toutes ces modifications entreront en vigueur le 1er février 2022.
La législation française
En France, les délais de paiement sont encadrés par la loi de modernisation de l’Economie du 4 août 2008 (encore dénommée « LME »). Le régime français actuel est assez similaire à celui existant en Belgique étant donné qu’il s’agit d’une transposition de la directive européenne 2011/7/UE.
En France, le régime est le suivant :
Le délai de paiement légal, sans disposition contraire mentionnée sur la facture et sans accord entre le client et son fournisseur de marchandises ou son prestataire de services, le délai de paiement est de 30 jours à compter de la réception des produits ou de l’exécution de la prestation.
Un délai supérieur à 30 jours peut toutefois être mis en place sous réserve d’accord commercial entre les parties. Le délai ne peut cependant dépasser 60 jours calendaires à compter de l’émission de la facture ou, à titre dérogatoire, 45 jours fin de mois sous réserve que ce délai dérogatoire soit inscrit sur la facture et ne constitue pas une discrimination manifeste à l’égard du créancier.
Il existe une exception à ces délais légaux pour les factures périodiques (ou récapitulatives). Celles-ci doivent être payées dans un délai de 45 jours maximum suivant leur date d’émission.
La procédure d'acceptation ou de vérification des marchandises ne doit en principe pas dépasser 30 jours à partir de la réception des marchandises ou la réalisation de la prestation.Particularités liée au secteur
Certains types de produits répondent à d’autres délais de paiement de facture. Il en va ainsi des produits alimentaires, bétail vivant, viande fraîche, alcool et raisins pour la fabrication de vin.
De même certains types de secteurs bénéficient de délais dérogatoires dont notamment le secteur du commerce des articles de sport, de la filière du cuir ou de l’agroéquipement bénéficient de délais dérogatoires.
Sanctions
Aucun rappel n’est nécessaire avant l’exigibilité des sanctions. Les sanctions sont dues dès le jour suivant : (i) soit le 31e jour suivant la date de réception des marchandises ou de la fin de l'exécution de la prestation de service, (ii) soit à la date de paiement mentionnée sur la facture en cas de délai négocié.
Intérêts de retard
Les conditions générales de vente et/ou la facture doivent mentionner un taux d’intérêt de retard que l’entreprise créancière pourra facturer à son client en cas de retard de paiement de la facture.
En l’absence d’accord contractuel entre les parties, le taux de l’intérêt de retard correspond au taux directeur semestriel de la Banque Centrale européenne majoré de 10 points.Frais de recouvrement
En complément des intérêts de retard, une indemnité est due par le débiteur à l’entreprise créancière. Son montant est forfaitaire et s’élève à 40 euros (sauf si le débiteur est en procédure collective).
Une indemnisation complémentaire peut être présentée au débiteur lorsque les frais de recouvrement sont supérieurs à 40 euros, sur présentation du justificatif.
L’article 121 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 prévoit que la mention et le montant de l’indemnité doivent obligatoirement figurer dans les conditions générales de vente et dans les factures.
Sanctions administratives
Les retards sont sanctionnés par des amendes administratives dont le montant maximal est de 75.000 € pour une personne physique et de 2 millions d'euros pour une personne morale (article L. 441-16 du Code de commerce, tel qu'issu de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019). En cas de récidive dans un délai de 2 ans, le montant de l’amende peut être doublé.
Ces amendes s’appliquent en cas de :
- non-respect des délais de paiement maximum légaux
- non-respect des modalités de calcul négociées entre les parties
- pratiques retardant abusivement le point de départ des délais de paiement.