Les dispositions de la loi du 4 avril 2019 relatives à l’abus de dépendance économique, dont l’entrée en vigueur était initialement prévue le 1er juin 2020, sont applicables depuis le 22 août 2020.

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Bien qu’il existait déjà des règles encadrant les relations B2B, le législateur a souhaité aller plus loin en instaurant trois nouvelles interdictions dans les relations entre entreprises.

Le Code de droit économique a dès lors fait l’objet de modifications consacrées par loi du 4 avril 2019 en ce qui concerne (i) les abus de dépendance économique, (ii) les clauses abusives et (iii) les clauses du marché déloyales entre entreprises.

Les dispositions relatives aux abus de dépendance économique devaient initialement entrer en vigueur à compter du 1er juin 2020. Suite à un ajustement législatif, l’entrée en vigueur a été postposée au 22 août 2020.

L’interdiction de l’abus de dépendance économique

La loi du 4 avril 2019 a introduit le concept d’abus de dépendance économique.

La position de dépendance économique y est définie comme une « position de sujétion d'une entreprise à l'égard d'une ou plusieurs autres entreprises caractérisée par l'absence d'alternative raisonnablement équivalente et disponible dans un délai, à des conditions et à des coûts raisonnables, permettant à celle-ci ou à chacune de celles-ci d'imposer des prestations ou des conditions qui ne pourraient pas être obtenues dans des circonstances normales de marché » (article I.6, 12bis° CDE).

Le fait de tenir une entreprise en position de dépendance économique n’est pas interdit en soi. Seule l’exploitation abusive d’une telle situation qui est susceptible d’affecter la concurrence est interdite.

Le nouvel article IV.2/1. du Code de droit économique interdit ainsi le fait d’exploiter de façon abusive une position de dépendance économique dès lors que la concurrence est susceptible d’en être affectée sur le marché belge concerné ou sur une partie substantielle de celui-ci.

On parlera donc d’abus de dépendance économique lorsqu’une entreprise détient un certain pouvoir de marché lui permettant d’exercer sur ses partenaires une domination relative et d’imposer des prestations et des conditions qu’elle ne pourrait pas imposer sans ce pouvoir de marché (sans pour autant détenir une position dominante) [1].

L’interdiction de l’abus de dépendance économique est subordonnée à la réunion de trois conditions cumulatives :

  1. l’existence d’une position de dépendance économique ;

  2. un abus de cette position ;

  3. une affectation potentielle ou réelle de la concurrence sur le marché belge ou une partie de celui-ci.

La notion d’abus de position dominante n’est définie, dans le Code de droit économique, que par référence à une énumération, non-limitative, d’exemples qui peuvent, pour autant que les conditions d’application soient réunies, constituer un abus.

Ces exemples, qui sont inspirés de l’énumération utilisée pour l’appréciation d’une position dominante, sont les suivants :

  • le refus d'une vente, d'un achat ou d'autres conditions de transaction ;

  • l'imposition de façon directe ou indirecte des prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction non équitables ;

  • la limitation de la production, des débouchés ou du développement technique au préjudice des consommateurs;

  • le fait d'appliquer à l'égard de partenaires économiques des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans
    la concurrence ;

  • le fait de subordonner la conclusion de contrats à l'acceptation, par les partenaires économiques, de prestations supplémentaires, qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n'ont pas de lien avec l'objet de ces contrats.

Entrée en vigueur des dispositions légales postposée au 22 août 2020

Le Code de droit économique a fait l’objet d’ajustements consacrés par les lois du 4 avril 2019 et du 2 mai 2019 en ce qui concerne les abus de dépendance économique. Ces textes n’étaient cependant pas coordonnés.

Afin d’éviter un chevauchement des mesures, une loi du 27 mai 2020, publiée le 29 mai 2020 au Moniteur Belge, a été adoptée en vue de permettre au gouvernement  de coordonner les lois du 4 avril 2019 et 2 mai 2019 précitées afin que ces dernières soit correctement et adéquatement intégrées au sein du Code de droit économique. Cela a eu pour conséquence que l’entrée en vigueur de l’interdiction des abus de dépendance économique qui devait initialement se produire au 1er juin 2020 a été postposée.

Par application de cette loi du 27 mai 2020, un arrêté royal a été adopté afin de coordonner les diverses législations en vigueur. Cet arrêté de mise en concordance entrant en vigueur le 22 août 2020, les dispositions « coordonnées » du Code de droit économique relatives à l’abus de dépendance économique sont également entrées en vigueur en date du 22 août 2020.

Sanctions

Depuis le 22 août 2020, les entreprises qui exploitent de façon abusive une position de dépendance économique qui a pour conséquence d’affecter la concurrence peuvent être sanctionnées en Belgique.

L’Autorité belge de la concurrence est compétente dans le cadre de la poursuite et de la sanction de l’abus de dépendance économique.

Depuis le 22 août 2020, l’Autorité de la concurrence peut dès lors imposer – au-delà de la cessation – une amende pouvant aller jusqu’à 2% du chiffre d’affaires de l’entreprise concernée ainsi qu’une astreinte ne dépassant pas 2% du chiffre d’affaires journalier moyen par jour de retard à compter de la date fixée par le Collège de la concurrence si la décision n’est pas respectée. Le chiffre d’affaires en question est celui qui a été réalisé sur le marché national et à l’exportation au cours de l’exercice comptable précédent la décision.


[1]
Certains facteurs, qui sont utiles à l’appréciation de la dépendance économique, sont répertoriés dans les travaux parlementaires de la loi du 4 avril 2019 (Doc. 54 1451/003, p. 4). L’absence d’insertion de ces précisions dans le texte même de la loi est intentionnelle en ce qu’elle résulte d’une volonté de maintenir une définition légale assez générale et ouverte afin de pouvoir s’adapter à l’évolution de la pratique économique