Dossier CPDI franco-belge : (i) un aperçu général des nouveautés
Comme nous vous l’avons annoncé dans notre contribution du 19 novembre dernier, une nouvelle convention préventive de double imposition entre la France et la Belgique (« CPDI ») a été signée en date du 9 novembre 2021. La convention de 1964 demeure applicable jusqu’à l’entrée en vigueur de cette nouvelle CPDI (au plus tôt le 1er janvier 2023).
Le présent article aura pour vocation de fournir un aperçu général des principales nouveautés apportées par cette CPDI. L’équipe du French Desk, ainsi que notre département fiscal, rédigeront ensuite régulièrement des articles thématiques afin d’aborder des problématiques particulières.
La résidence fiscale des personnes morales
La convention préventive de la double imposition actuellement en vigueur entre la Belgique et la France s’applique notamment aux personnes morales qui sont réputées résidentes de l'Etat contractant où se trouve leur siège de direction effective.
Contrairement à de nombreuses conventions, la convention actuelle ne prévoit aucune condition de taxation ou même d’assujettissement à l’impôt dans le chef des personnes morales pour que ces dernières puissent bénéficier de la convention.
La nouvelle CPDI intègre désormais une définition de « résident fiscal », reprise directement du modèle OCDE : « l’expression résident d’un Etat contractant désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet Etat, est assujettie à l’impôt dans cet Etat en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue […] ».
Cette condition d’assujettissement aura, en principe, pour conséquence de dénier la qualité de résident aux fonds d’investissement qui bénéficient d’un régime fiscal de non-assujettissement. Le Protocole de la nouvelle CPDI prévoit toutefois que, nonobstant toute autre disposition, les organismes de placement collectif et les fonds de pension qui sont établis en France ou en Belgique bénéficieront des avantages des articles 10 et 11 de la nouvelle convention qui concernent respectivement les dividendes et intérêts.
Les sociétés dites « translucides »
La CPDI traite du cas particulier des sociétés « transparentes » et des sociétés françaises «translucides ». La qualité de résident est également reconnue à toute société ou groupement de personnes :
dont le siège de direction effective est en France ;
qui est assujetti à l’impôt en France ; et
dont tous les porteurs de parts, associés ou membres sont, en application de la législation fiscale française, personnellement soumis à l’impôt à raison de leur quote-part dans les bénéfices de ces sociétés ou groupements de personnes.
Sur cette base, les sociétés de personnes de droit français qui sont soumises à un régime de translucidité fiscale devraient bénéficier des avantages de la nouvelle convention.
Les dispositions relatives aux immeubles
La clause à prépondérance immobilière (taxation de la plus-value sur actions)
De nombreux belges détiennent des immeubles en France via une société civile immobilière (SCI). La CPDI, qui prévoit une nouvelle répartition du pouvoir d’imposition, aura un impact non négligeable pour ces belges lorsqu’ils cèderont leurs parts avec plus-value.
Actuellement, il est généralement admis que la Belgique a le pouvoir de taxation dans cette situation. Or, la Belgique exonère en règle les plus-values sur actions réalisées par les résidents belges pour autant que les opérations s’inscrivent dans le cadre de la gestion normale de leur patrimoine privé. Les résidents belges ne sont dès lors pas taxés sur cette plus-value.
La CPDI prévoit désormais une clause à prépondérance immobilière qui confère à l’État où les immeubles sont situés le pouvoir d’imposer les gains provenant de l’aliénation d’une participation dans une société dont plus de la moitié des actifs sont constitués directement ou indirectement de biens immobiliers.
Cette disposition ne s’applique cependant que pour autant que l’Etat où se situe les immeubles en question assimile fiscalement ces cessions d’actions à des cessions de biens immeubles.
Cela signifie concrètement que la France, en vertu de cette nouvelle CPDI, pourra imposer les plus-values sur actions réalisées par les résidents belges lorsqu’ils cèderont les parts qu’ils détiennent dans une société à prépondérance immobilière française (par exemple une SCI).
Le fisc français pourra alors réclamer le prélèvement de 19%, sans compter les prélèvements sociaux et la taxe sur les plus-values immobilières élevées.
Les revenus immobiliers
Actuellement, la France a le pouvoir d’imposer les revenus des immeubles français qui sont détenus à titre privé. En vertu de la nouvelle CPDI, la France pourra toujours imposer un résident belge sur les revenus locatifs ou sur les plus-values réalisées sur la vente d'un bien immobilier français.
La nouveauté apportée par la CPDI porte sur l’exonération de ces revenus en Belgique.
Actuellement, ces revenus sont pris en compte par la Belgique dans le cadre de la réserve de progressivité mais il n’existe aucune taxation effective de ces revenus.
Dans le cadre de la nouvelle CPDI, les revenus d’immeubles français ne seront pas automatiquement exonérés en Belgique. Leur exonération sera subordonnée à la condition que ces revenus soient effectivement imposés en France.
Or, en absence de location, la France ne prévoit pas d'impôt sur le revenu pour les biens immobiliers utilisés à des fins personnelles (à l’inverse de la Belgique qui impose un revenu fictif, i.e. le revenu cadastral, même dans le cas où l’immeuble n’est pas loué). Cela signifie que si le résident belge ne loue pas le bien immobilier français, il n'y a pas d’imposition effective en France, au sens de la nouvelle CPDI.
La Belgique pourrait donc ne pas se sentir obligée d'accorder une exonération, ce qui pourrait à nouveau entraîner une augmentation de la charge fiscale.
Les dispositions relatives aux revenus mobiliers
Les intérêts
Selon l’article 11 de la nouvelle CPDI, les intérêts provenant d’un Etat contractant et dont le bénéficiaire effectif est un résident de l’autre Etat contractant ne seront plus imposables que dans cet autre Etat (imposition par l’état de résidence du bénéficiaire).
La nouvelle CPDI supprime l'imposition à la source des intérêts, ces revenus n’étant imposables que dans l’Etat de résidence du bénéficiaire.
Les dividendes (suppression de la QFIE)
La problématique relative à la double imposition des dividendes d’origine française a fait l’objet de nombreuses discussions ces dernières années. Des nombreuses juridictions belges se sont également prononcées sur cette question. Nous vous invitons à lire les différentes contributions qui ont été publiées à ce sujet sur notre French Desk si vous souhaitez de plus amples informations.
Le principe du partage de l'imposition entre l’Etat de la source et l’Etat de résidence du bénéficiaire est maintenu.
La convention actuelle prévoit cependant que la taxation, en Belgique, du dividende (soit 30% du revenu net frontière) soit diminuée d’une quotité forfaitaire d’impôt étranger (QFIE) déductible, sans que cette quotité puisse être inférieure à 15%.
La nouvelle CPDI prévoit la suppression de cette QFIE, de sorte que la Belgique pourra taxer le revenu net frontière à son taux d’imposition normal, i.e. 30%.
Le dividende d’origine française sera taxé comme un dividende d’origine belge, à la différence que le dividende d’origine belge a déjà subi une retenue à la source en France. Il existera dès lors une double imposition des dividendes d’origine française.
Cela aura pour conséquence que les dividendes d’origine française subiront une taxation plus lourde que les dividendes d’origine belge.
Baisse de la retenue à la source sur les dividendes
Le taux maximum de retenue à la source sur les dividendes est réduit de 15% à 12,8%, ce qui correspond au taux de l’imposition en France.
La nouvelle CPDI ne fait pas obstacle à la taxe Caïman
La Belgique a toujours considéré que la convention actuelle ne fait pas obstacle à l’application de la taxe Caïman.
Afin d’éviter toute discussion, la Belgique a cependant tenu à préciser, dans le Protocole de la nouvelle CPDI, que la Belgique peut effectivement appliquer la transparence fiscale aux revenus perçus par des entités française qui peuvent être qualifiées de construction juridique au sens du droit fiscal belge.
N’hésitez pas à contacter notre French Desk pour toute question. Nous vous assisterons volontiers.
Nous publierons également, dans les prochains mois, avant l’entrée en vigueur de la nouvelle CPDI, diverses contributions thématiques dans le cadre de ce dossier consacré à la nouvelle CPDI Franco-belge.